Patrizia a un avis sur tout

© Tous les textes et photos de mon cru m'appartiennent et ne peuvent être utilisés de quelque manière que ce soit et sur n'importe quel support sans mon autorisation expresse!

L’armoire des robes oubliées de Rükka Pulkkinen aux éd. Albin Michel 20 février 2012


Chez nous on commence ses interventions par des mots grandiloquents.
Mais le monde, dit l’un. Ce pays, répond un autre. Cette époque, précise le troisième, et de nouveau on reparle de l’être humain et du destin de l’humanité.
Personne ne l’admet, mais nous sommes tous en réalité bien plus intéressés par le lac, le sauna et la moitié de tarte aux myrtilles trônant sur la table que par le fait que, en ce moment même, on détermine la réalité dans des bureaux, dans des assemblées, à des tribunes et, qui sait, aux réunions clandestines de groupes dont on vient d’inventer le nom.
Kerttu passe son temps dans ces réunions. Elle ne se soucie pas le moins du monde de la tarte aux myrtilles. Elle en mangera si on lui présente une part devant elle, mais autrement elle n’y consacrera pas la moindre pensée. L’oiseau plongeon n’est pour elle qu’un mot qui rattache au passé.
Mais ensuite il y a des gens comme nous qui sommes satisfaits de nos grands mots prononcés sous l’ombrage des chênes tandis que le plongeon râtelle de sa voix la surface du lac.
– Mais le monde, dit quelqu’un.
L’homme me regarde; la fillette, Molla au creux du bras, dort sur mes genoux et personne n’a besoin de la dire à haute voix: le monde est ici. Ailleurs, quelque part, à cet instant précis, on inonde la jungle de napalm et beaucoup de gens, à cause de cela, sont bouleversés. Nous aussi, pourvu que nous puissions garder notre tarte aux myrtilles.

Tout est dit. La vraie vie, c’est celle qu’on prend le temps de savourer. De partager. Pendant laquelle on est. Juste là. Qui ne coûte pas grand-chose, si ce n’est le plaisir du partage.